Fragility of Traces of the Past

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July 5th, 2015

 

 

The Fragility of Traces of the Past

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These three photographs must have been taken between 1929 and 1935. Some thirty of her classmates from different classes appear in them; it is not always easy to determine whether a certain girl of thirteen or fourteen is the same child seen in an older photo. It took some time after I recorded the testimony of Mr. Genys, at Telz, in July 2000 (see the film Nemt: A Language Without People for a People Without a Language) before I realized that some of the five hundred girls were indeed here, before my eyes, in these photographs I had been looking at since my earliest childhood. They were a few of the rare treasures my mother had brought along in her bookbag when she fled Telz (for Russia, with her parents, six sisters and one brother, as the first German bombs were falling).

 

My mother rarely refers to the extermination of her neighbors, classmates, and friends from childhood and adolescence spent in Telz. On the other hand, this brief anecdote returns again and again like a leitmotiv: She was twelve years old when, as a student at the Yavne school in Telz, where all instruction was conducted exclusively in Hebrew, she wrote a composition that began with the word “b’nurai”(in my youth). On the day when the director of the school came to class to hand back the assignments, he asked my mother to stand up and asked her gently, “bat kama at?” (how old are you)?   Now that my mother’s memory is failing, this anecdote recurs, posing a piercing question. On her return to Lithuania in 1992, my mother obstinately refused to go to Telz, where only phantoms would have been there to greet her. My mother has kept three class photographs from that past time. The faces of several of her classmates and teachers appear there. She still remembers some of their names.

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La fragilité des traces du passé

L’assassinat des jeunes filles et femmes de Telz, en décembre 1941, après celui des hommes, au début de juillet et celui des femmes et des enfants, en août et septembre, n’obéit pas à un schéma exceptionnel dans la longue liste des massacres perpetrés en Lituanie.

Ma mère ne parle pas souvent de l’extermination de ses voisines, de ses camarades de classe, de ses amies d’enfance et d’adolescence de Telz. En revanche, ce petit récit revient comme un leitmotiv. Elle avait une douzaine d’années quand, élève du lycée Yavné de Telz où l’enseignement se déroulait entièrement en hébreu, elle écrivit une rédaction s’ouvrant sur ces mots : “binéouraï” (dans ma jeunesse). Le jour où le directeur de l’école pénétra dans la classe pour distribuer les devoirs, il fit lever ma mère, Rosa Portnoï, et lui demanda gentiment : “bat kama at ?” (quel âge as-tu ?). Aujourd’hui que la mémoire de ma mère s’estompe, ce petit récit revient poser une question lancinante. De retour en Lituanie en 1992, ma mère refusa obstinément de se rendre à Telz où seuls les fantômes l’auraient accueillie. De ce passé ma mère, a sauvé trois photographies de classes où apparaissent quelques-uns des visages de ses camarades et de ses professeurs. De certains d’entre eux, elle se souvient encore du nom.

Les trois photographies peuvent avoir été prises entre 1929 et 1935. Une trentaine environ de ses camarades de différentes classes y figurent, il n’est pas toujours facile de deviner si telle jeune fille de 13 ou 14 ans est l’enfant vue sur une photo plus ancienne. Il m’a fallu un certain temps après avoir recueilli le témoignage de Mr Génys, à Telz, en juillet 2000 {{voir le film [nemt]: une langue sans peuple pour un peuple sans langueen anglais}} pour prendre conscience qu’une partie des cinq cents jeunes filles se trouvait bien là, devant mes yeux, sur ces photographies que je voyais depuis ma plus tendre enfance. Elles font partie des rares trésors que ma mère a emportés dans son cartable d’écolière lorsqu’elle a fui Telz {pour la Russie avec ses parents, six soeurs et un frère, sous les premiers bombardements allemands} Elles ont été sauvées du naufrage avec deux tasses et une théière d’une minuscule miniature de faïence.

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